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Holoscenes ou le spectacle du déluge

19 mai 2022

Texte principal du billet

Si les changements climatiques font souvent les manchettes, ils font plus rarement l’objet d’un spectacle. C’est pourtant le cas avec Holoscenes qui, dans le cadre du Festival TransAmériques (FTA), sera présenté du 25 au 29 mai à l’esplanade Tranquille dans le Quartier des spectacles, après avoir été exposé entre autres à New York, Londres, Miami et Abu Dhabi. Le public québécois aura l’occasion de découvrir un aquarium géant, où des gens vaquant à leurs activités quotidiennes sont confrontés à la crue subite des eaux et forcés à s’adapter.

Rencontre avec le créateur, l’artiste américain Lars Jan, ainsi qu’avec Anne-Catherine Lebeau et Marianne Lavoie, respectivement directrice générale et formatrice accompagnatrice en écoconception d’Écoscéno.

POUVEZ-VOUS NOUS DONNER UN APERÇU DU SPECTACLE ?

Lars Jan : Holoscenes est à la fois une performance publique et une installation rotative à 360 degrés. On y voit des artistes qui s’adonnent à différentes activités. Pour ce faire, nous avons lancé un appel au public et reçu plus d’une centaine de vidéos de scènes de la vie quotidienne des gens d’une quarantaine de pays. Nous en avons retenu certaines, comme celle d’un homme vendant ses fruits dans le sud de l’Inde ou celle d’une personne lisant le journal, pour les incorporer au spectacle, de manière chorégraphique.

QU’EST-CE QUI VOUS A INCITÉ À CONCEVOIR UNE TELLE ŒUVRE ?

LJ : J’ai commencé à travailler sur Holoscenes en 2011. À l’époque, mon attention avait été attirée par les nouvelles d’inondations que les médias qualifiaient de « pires depuis 100 ans ». Or j’avais l’impression qu’on rapportait presque tous les mois « la pire inondation en 100 ans ». C’est ce qui m’a incité à faire des recherches, car, à la base, je ne suis pas un militant écologiste. J’ai ainsi pu découvrir l’existence d’un débat entre les géologues. Si nous vivons actuellement dans l’ère géologique qu’on appelle l’Holocène, certains chercheurs soutiennent que nous sommes entrés depuis peu dans une nouvelle ère, l’Anthropocène, où les humains sont devenus la première force de changement sur la terre. Cette question m’a paru très intéressante, et j’ai également été séduit par le mot holocène qui signifie également « scène creuse » en anglais et m’a donné l’idée de présenter un spectacle dans une scène creuse et emplie d’eau.

COMMENT LE PUBLIC RÉAGIT-IL À L’ŒUVRE ?

LJ : Il s’agit à la fois d’une expérience contemplative et viscérale, car il y a un aspect angoissant à voir un être humain entièrement entouré d’eau. Et le fait de voir des gens isolés, je dirais même confinés, dans un espace clos n’a plus la même signification depuis la pandémie. Cela dit, l’impact émotionnel du spectacle varie d’une personne à l’autre, car chacune interprète ce qu’elle voit différemment. J’ai entendu des adultes dire que l’œuvre traitait de la mort, des enfants y reconnaître des sirènes etc.

POUVEZ-VOUS NOUS PARLER BRIÈVEMENT DE L’ASPECT TECHNIQUE DU PROJET ?

LJ : C’est un projet d’envergure qui a exigé beaucoup de recherche et de développement. Au départ, nous ne savions pas comment nous y prendre, mais nous tenions à ce que tout soit sécuritaire. Alors, pour faire les choses correctement, nous nous sommes tournés vers des ingénieurs spécialisés en hydraulique ainsi que des spécialistes liés au Cirque du Soleil, qui avaient travaillé sur le spectacle Ô.

Marianne Lavoie : De notre côté aussi, il a fallu explorer de nombreuses possibilités et s’assurer que nous pouvions accueillir Holoscenes dans les meilleures conditions, c’est-à-dire dans le respect de l’environnement. On s’est demandé par exemple si l’eau nécessaire au spectacle pouvait être récupérée, si elle pouvait servir à d’autres spectacles… Finalement, l’eau, qui est chlorée au minimum pour la santé des artistes, ira dans les citernes du réseau d’aqueduc et servira à arroser les rues de Montréal. Quant aux gaz à effet de serre émis lors de la préparation et la présentation d’Holoscenes, ils seront comptabilisés et compensés à l’organisme à but non lucratif Eau Secours, qui lutte contre le gaspillage de l’eau. Pour nous, il était important que le spectacle serve de référence en matière d’approvisionnement responsable.

POURQUOI EST-IL IMPORTANT D’ABORDER LA QUESTIOæN DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES PAR LE BIAIS DE L’ART ?

Anne-Catherine Lebeau : Le rôle de l’art est de soulever des débats. On sait que pour changer tout comportement, le moteur d’action consiste à être touché émotionnellement. Je pense qu’une œuvre d’art a cette portée supplémentaire et essentielle qui manque aux modèles théoriques. Or, non seulement la présentation d’Holoscenes s’effectue dans le respect de l’environnement et des ressources naturelles, mais il s’agit d’une œuvre publique, gratuite et accessible à tous.

LJ : Je pense aussi que l’art contribue à nourrir les conversations sur ce sujet important et à inciter les gens à se renseigner. Holoscenes ne cherche pas à faire peur aux gens, je pense que nous sommes déjà assez anxieux comme ça. Mais c’est une autre façon de communiquer et d’envisager des solutions.

ACL : La symbolique de l’eau est très forte. Elle nous incite à prendre conscience de la réalité des changements climatiques et à réfléchir à notre propre consommation d’eau. Mais en limitant l’empreinte écologique générée par le spectacle même, on donne l’exemple et on montre qu’il est toujours possible d’être proactif. Il a d’ailleurs été prouvé que l’action est le meilleur antidote à l’écoanxiété !

Holoscenes dans le cadre du Festival TransAmériques (FTA)
Du 25 au 29 mai, esplanade Tranquille - Gratuit

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