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La fabrication de forêts futures, voyage méditatif dans des forêts synthétiques
21 mars 2024
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Texte principal du billet
Présentée dans le cadre du Festival International du Film sur l’Art (Le FIFA), la vidéoprojection La fabrication de forêts futures de l’artiste interdisciplinaire montréalais Vincent Charlebois dévoile des paysages forestiers générés par une intelligence artificielle. Avec son œuvre, il explore les concepts de disparition et de régénération et nous invite à la réflexion. L’artiste nous en dit un peu plus sur cette création numérique unique.
Un texte de Sara Fauteux
Comment est née cette œuvre et comment se situe-t-elle dans votre démarche ?
Ce projet qui prend comme point de départ la technologie est pourtant né d’une expérience très physique, ce qui est assez représentatif de ma pratique interdisciplinaire dans laquelle je m’intéresse autant au numérique qu’à la performance. La fabrication de forêts futures est née de mon expérience comme planteur d'arbres. Quand je partais quelques mois pour travailler dans des coins perdus de la Colombie-Britannique, les gens autour de moi me demandaient de leur partager des images de mon quotidien. Il y avait une grande curiosité pour ce travail assez atypique. Je me suis donc mis à documenter les paysages qui m’entouraient sur mes réseaux sociaux. Je recevais beaucoup de commentaires au sujet de la beauté des images, ce qui était assez étrange pour moi puisqu’il s’agissait de paysages dévastés en fait, des coupes à blanc ! Année après année, j’ai continué à accumuler ces images qui sont devenues au fil du temps un corpus photographique recensant les paysages de la forêt canadienne, ou du moins ce qu’il est reste.
Quelques années plus tard, en 2016, je me suis intéressé à l’intelligence artificielle dans ma pratique artistique. J'ai suivi une formation pour me familiariser avec cette technologie et l’une des choses que j’ai apprises, c’est que pour entraîner un modèle d'intelligence artificielle, il faut une banque d'images, au minimum des milliers d'images, avec lesquelles on nourrit en quelque sorte le modèle pour qu’il puisse éventuellement créer lui-même de nouvelles images. Et j’ai réalisé que justement, j’avais cette banque d’images à ma disposition !
L’intelligence artificielle que vous avez utilisée se nomme le réseau adverse génératif (GAN). Quelle est sa spécificité et pourquoi était-il intéressant dans le cadre de votre projet ?
C’est une technologie qui a été développée à Montréal il y a une dizaine d’années. Bien sûr, je ne suis pas un ingénieur informatique, mais disons que de manière très simple, l’on peut dire que le réseau adverse génératif est l’un des premiers modèles d’intelligence artificielle capable de générer des images synthétiques avec un certain niveau de réalisme. Le système est constitué de deux réseaux de neurones, le premier réseau est dit « générateur » et le deuxième « discriminateur ». L’un génère des images et l’autre détermine si, selon sa connaissance de la banque d’images, l’image générée est vraisemblable. C’est l’opposition entre ces deux réseaux qui constitue ici « l’adversité ».
Pour moi, le GAN était intéressant entre autres parce qu’il est aujourd’hui un peu désuet. Ça me plaît, l’idée de travailler avec un système et une esthétique en voie de disparition ! De plus, les nouveaux systèmes sont bien plus énergivores et je ne pourrais pas les faire fonctionner de manière indépendante à partir de mon ordinateur. Ce « vieux » système m’a permis d’exercer un contrôle beaucoup plus grand, de le nourrir de mes images afin qu’il produise de nouvelles images à l'infini, sans devoir passer à travers un serveur géant qui, au final, ce serait aussi approprié mes images.
Concrètement, à quoi ressemble La fabrication des forêts futures ?
C’est une œuvre vidéo qui montre des paysages synthétiques de la forêt, inventés à partir de photos réelles de la forêt. Ces images sont presque naturalistes, mais il y a aussi une dose de psychédélisme je dirais. On reconnaît la nature, mais en même temps, on y trouve aussi une impression d’artificiel du fait que c'est un réseau génératif qui a créé ces paysages-là. C'est un voyage méditatif dans des forêts synthétiques.
Quel est le message de votre œuvre ?
Évidemment, je mets en lumière la façon dont l’être humain détruit la planète en montrant des paysages de forêts coupées. Mais, en réalité, rien n’est aussi simple selon moi et je souhaite amener la réflexion plus loin. Au début, il y a la forêt, puis la forêt détruite par les machines, puis la forêt détruite par les machines à travers la vision des machines… Il y a aussi la forêt détruite régénérée par des planteur·se·s d’arbres. Évidemment, les forêts que nous plantons ne sont qu’une pâle copie des forêts qui étaient là avant puisque l'industrie forestière finance des plantations d’espèces qui sont productives pour leurs besoins économiques. Mais il y a quand même une forme de reconstruction qui s’opère. Avec cette œuvre, je me situe au milieu de ce ballet entre le synthétique, le naturel, le fabriqué par l'homme, le détruit par l'homme, le réinventé par la machine… Je crois qu’au fond je veux montrer que dans la perte, il y a toujours quelque chose d’autre qui naît. Mon œuvre est aussi une invitation à la contemplation et une forme de célébration de l’éphémère.
La fabrication de forêts futures de Vincent Charlebois
Dans le cadre du Festival international du film sur l’art (FIFA)Du 14 mars au 14 avril 2024
De la tombée du jour à minuit
Façade aux abords du métro Saint-LaurentUne coproduction du Festival International du Film sur l’Art (Le FIFA) et du Partenariat du Quartier des spectacles.
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