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«Instrument à vent» : chut! Tendons l’oreille.

17 août 2018

Texte principal du billet

On dit la ville bruyante, dérangeante, parfois cacophonique. Et si on avait trouvé une façon d’adoucir ces bruits ? Avec son œuvre Instrument à vent, Étienne Paquette s’est lancé le défi de transformer les sons hétéroclites de notre environnement urbain et fait un pied de nez à l’impossible quête du silence en jouant avec les sonorités de la ville.

Impossible de manquer la gigantesque installation interactive d’une hauteur de 28 pieds et composée de six tuyaux en acier de couleur, qui sera visible du 16 août au 8 octobre aux abords du métro Saint-Laurent. Venez jouer avec la rumeur de la ville et faire du bruit pour créer l’harmonie.


Rencontre avec l’artiste en multimédia, scénariste et concepteur d’Instrument à vent, Étienne Paquette, pour en savoir plus sur sa démarche et cette installation créée en collaboration avec le Partenariat Quartier des spectacles, l’Office national du film du Canada et LA SERRE – arts vivants


QUELLE EST L’INSPIRATION D’INSTRUMENT À VENT ?

Dans le cadre de POSSIBLES, j’ai été invité à concevoir une œuvre qui aborde un enjeu ayant une portée internationale et qui motive une participation citoyenne dans la création de la ville de demain. C’était mon espace de réflexion.

Ça fait longtemps que la problématique du bruit, dans tous les sens du terme, m’interpelle. Je viens du milieu de la communication où, habituellement, on laisse le bruit de côté parce qu’il empêche le passage du message. C’est au contraire ce brouillage du sens qui m’intéresse. Dans la ville, il y a un effet de saturation sonore, beaucoup de « bruit »… J’ai approfondi la question avec des compositeurs qui m’ont inspiré, comme John Cage, qui a réfléchi sur l’impossibilité du silence, et Steve Reich, qui a œuvré avec des sonorités urbaines.


QUELLE EST LA PLACE DU VENT DANS CETTE INSTALLATION ?

Chez moi, à la campagne, en milieu agricole, il vente beaucoup, et le vent est paradoxalement un facteur d’apaisement dans mon environnement sonore. Dès qu’il vente un peu, c’est plus calme… C’est ce qui a inspiré le titre de l’œuvre, Instrument à vent, et l’ensemble de la démarche artistique.


COMMENT FONCTIONNE INSTRUMENT À VENT ?

C’est assez simple au premier plan : il s’agit d’une sculpture interactive qui réagit à l’environnement sonore et au bruit produit de façon individuelle par les participants en générant des harmonies musicales. Les visiteurs déclenchent par exemple des animations sonores en parlant, en criant ou en faisant simplement du bruit dans le tuyau réservé à cet effet.

L’architecture du système est plus complexe en arrière-plan : la structure tubulaire diffuse les sonorités produites par un instrument de musique logiciel qui analyse les fréquences harmoniques et l’amplitude des sons captés tout autour. L’instrument possède sa sonorité propre et ses séquences d’accords, mais la composition musicale n’est pas aléatoire : elle est produite par une sorte de transposition ou d’empreinte des images sonores analysées dans le spectre musical de l’instrument.


Y A-T-IL UN LIEN ENTRE TON ŒUVRE MÉGAPHONE (2013), QUI ÉTAIT AUSSI GIGANTESQUE ET INSTRUMENT À VENT ?

Oui, de façon générale, j’aime les œuvres monumentales. La ville, c’est quelque chose de grand qui produit beaucoup de stimulations. Pour capter l’attention, il peut être utile de déployer une dimension un peu… spectaculaire. Avec Mégaphone, il y avait l’idée d’ébranler l’espace public au moyen de sa propre voix; avec Instrument à vent, c’est plutôt de l’apaiser.

Instrument à vent attire l’attention, mais la proposition est plutôt paisible et fantaisiste, il me semble, et ça me plaît beaucoup.


TROUVES-TU QU’IL MANQUE D’HARMONIE DANS LA VILLE ?

Les bruits de la ville sont vraiment riches. D’où l’idée de renverser la question du silence… Plutôt que de chercher à fuir le bruit, se demander ce que l’on désire entendre. Instrument à vent est une proposition ouverte, pas une critique au sens plat du terme. L’installation utilise la production sonore courante de la ville comme élément-moteur pour générer de l’harmonie. C’est une opération artistique par addition plutôt que par soustraction.


LES NIVEAUX SONORES SONT ENREGISTRÉS PAR L’INSTRUMENT. POURQUOI?

Les niveaux de bruit captés sur la place sont enregistrés. L’idée est de créer un témoin documentaire de l’activité sonore pendant la durée de l’installation. Il ne s’agit pas d’une démarche scientifique, nous n’avons pas les outils pour ça, mais notre banque de données constituera tout de même un repère concernant la fluctuation des intensités. C’est un petit geste de plus en faveur de la participation à la réflexion citoyenne à travers l’art.


TU T’INTÉRESSES À LA SÉMIOLOGIE DES ESPACES, QUEL EST LE LIEN AVEC TA RÉFLEXION ARTISTIQUE POUR LA PRÉSENTE ŒUVRE ?

Je me soucie de la dimension « sensible » de nos villes: c’est une chose qui a à voir à la fois avec la sensation et avec le sens – avec l’esprit. Le concept de « ville intelligente » est très à la mode en ce moment; je trouve que ce concept mène facilement à prioriser la fonctionnalité et l’efficacité au détriment de la réflexion sur la manière d’habiter la ville. Habiter un lieu, c’est avoir de l’affection pour lui, c’est accepter de se laisser préoccuper par son état. La sensibilité, ce n’est pas quelque chose de fonctionnel, d’un point de vue économique en tout cas. Avec mes œuvres, j’aime bien tenter d’ouvrir des espaces alternatifs à ceux de la fonctionnalité économique.

Instrument à vent

Du 16 août au 8 octobre 2018
Du lundi au mercredi : de 11h à 21h
Du jeudi au dimanche : de 11h à 23h
Métro Saint-Laurent

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