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40 ans de souvenirs du jazz à Montréal

26 juin 2019

Texte principal du billet

PAR PHILIPPE COUTURE

Très avant-gardiste à ses débuts avec ses spectacles en plein-air qui démocratisaient l’accès au jazz, le Festival international de jazz de Montréal a 40 ans et toutes ses dents. Son cofondateur André Ménard, à l’aube de la retraite, jette sur le festival un regard plein de fierté et nous transmet son infatigable mélomanie.

Quand il observe la place des Festivals et ses quatre lampadaires géants, bien dressés aux abords de la rue Jeanne-Mance, André Ménard se remémore le chemin parcouru. Désormais lieu de ralliement du Festival, la place principale du Quartier des spectacles, quartier qu’il a contribué à mettre au monde. Le Festival international de jazz de Montréal a été le premier événement d’envergure à investir ce secteur et à façonner, peu à peu, la géographie du sympathique et vibrant quartier actuel, doté d’infrastructures uniques.

En posant son regard sur cet espace, c’est toute l’histoire du festival qui lui revient en mémoire : les premiers spectacles à ciel ouvert sur l’île Sainte-Hélène en 1980, puis dans le Quartier latin dès 1982, et finalement autour du pôle Place des Arts, où une dizaine de scènes extérieures ont peu à peu fleuri et où furent aussi mises à profit de nombreuses salles de spectacle.

« Même si Montréal avait une certaine expertise depuis les grands événements gratuits d’Expo 67, il n’y avait pas beaucoup de modèles de festivals comme le nôtre, se souvient-il. Offrir de la musique gratuite dans la rue, c’était quand même révolutionnaire. »


Blues, jazz, rock, peu importe!

Avant de cofonder l'un des plus importants festivals de jazz au monde, André Ménard avait produit des concerts blues avec son fidèle complice Alain Simard. Pour ces deux-là, la musique a toujours été un espace d’utopie, dénué de frontières.

Ainsi portés par leur amour du jazz, du blues, du rock et des métissages, ils n’ont freiné aucune de leurs ambitions ni modéré leur goût pour le mélange des genres. Déjà, ils avaient traversé avec enthousiasme l’époque de fusion jazz-rock, Miles Davis en tête. Ils ont flirté joyeusement avec d’incessantes évolutions du genre au cours des décennies suivantes, toujours à l’avant-garde.

« Notre oreille a été formée par une époque où même les radios commerciales étaient audacieuses et peu formatées, se rappelle Ménard. La musique progressive avait éduqué beaucoup de monde à la diversité musicale. On ne sentait pas le besoin de tout catégoriser. C’est pour ça que, dès 1983, il y a eu du reggae, de la salsa, du blues et de la musique africaine dans nos programmations. Rien de plus naturel. Et tant pis pour les puristes, nos plus grands détracteurs. »

N’empêche, cet éclectisme n’a jamais empêché le mélomane aguerri d’apprécier les artistes plus « classiques ». Comme le trompettiste Wynton Marsalis, qui a porté le mouvement néo-traditionaliste dans les années 80. Ou les grandes voix chantant des standards du jazz, telles que Diana Krall. « Quand elle a joué une première fois au festival en 1995, elle était peu connue. Et la voici maintenant grande vedette populaire. Ce qui est fascinant, c’est qu’elle a amené le grand public vers le jazz, plutôt que de partir du jazz pour aller vers le populaire. Elle est restée fidèle à elle-même et les gens l’ont suivie! »

Un homme fidèle, sous certaines conditions…

La liste des artistes réinvités au festival année après année est longue. Pat Metheny, Charlie Haden ou Tigram Hamasayan, par exemple, ont été parmi les chouchous incontestés d’André Ménard et des programmateurs.

« Je suis un homme fidèle, rigole-t-il. Mais à condition que l’artiste invité se réinvente. Une fois, on a reçu Ray Charles à cinq ans d’intervalle et il a donné le même spectacle à la virgule près. Il a rempli les salles, mais c’était quand même un peu décevant. Ceux qui sont venus plus souvent sont des chercheurs infatigables, qui ne tiennent jamais en place et qui changent souvent de répertoire. J’avoue avoir une grande admiration pour ceux-là. »

Dans cette catégorie se trouve par exemple Brian Setzer, « un grand musicien et un showman exceptionnel », selon Ménard. Ajoutons-y toute la scène londonienne actuelle, une génération inventive portée par les groupes Get The Blessing et Neil Cowley Trio. Ou encore Dominique Fils-Aimé, révélation Radio-Canada 2019, « une artiste extraordinaire qui a une aura sacrée, proche de Nina Simone ».

« Tout ce que je souhaite est que le festival garde dans son ADN ce plaisir de la découverte et de l’émerveillement, conclut le cofondateur. C’est une grosse machine qui doit répondre aux attentes commerciales et à celles du milieu touristique, mais si mes successeurs arrivent à garder l’étincelle allumée et à être au diapason du présent, ce sera mission accomplie! »

LES CHOIX D'ANDRÉ MÉNARD POUR LA 40e ÉDITION DU FESTIVAL INTERNATIONAL DE JAZZ DE MONTRÉAL

Ses incontournables
Richard Galliano en duo avec Ron Carter, Brad Mehldau, Melody Gardot, Buddy Guy

André se fait plaisir
Bobo Stenson; Larry Grenadier; Vijay Iyer & Craig Taborn ; Tuss Gustavaen Trio, tous de l’étiquette ECM

À ne pas manquer !
Dominique Fils-Aimé; Youn Sun Nah; Vincent Peirani ; Steel Pulse : Richard Reed Parry ; Benoit Charest

Festival international de Jazz de Montréal
Du 26 juin au 6 juillet

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