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Entrevue #2 | Bettina Forget

2 juin 2011

Texte principal du billet

Bettina Forget est artiste en arts visuels et propriétaire de la galerie Visual Voice. Elle est très impliquée dans le milieu culturel montréalais et publie des critiques d’art dans le Belgo Report. Elle a aussi un blogue personnel, où l’on peut notamment voir ses œuvres. C’est avec beaucoup d’enthousiasme qu’elle a accepté de partager ses réflexions autour des arts technologiques à Montréal.

Par Marie-Pierre Bouchard

ARTS ET TECHNOLOGIE

Dans le domaine des arts visuels, quelle tendance connaît un essor notable en ce moment?

L’art interactif et collaboratif connaît un essor remarquable. L’interactivité permet aux spectateurs de devenir des participants, d’ajouter leur vision, leur touche, leur propos.

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Crédit photo | Bernard Bujold
De quelle manière la technologie contribue-t-elle à cette tendance?

Internet permet cette collaboration entre les artistes et le public. Je pense par exemple à Perry Bard et son projet «Man with a Movie Camera : The Global Remake». Il s’agit d’un remake d’un documentaire de 1929 qui traitait de la vie urbaine en Russie. Bard chapeaute le projet, mais ce sont des gens de partout dans le monde qui soumettent les prises de vue via Internet!  Il projette ensuite les deux films côte à côte dans une salle d’exposition. Sur sont site web, on peut chaque jour voir une version différente du film, juxtaposée à l’original de 1929.

C’est un exemple parmi tant d’autres, mais il y en a plein! Internet est une source inépuisable de possibilités collaboratives.

Comment la collaboration et l’interactivité améliorent-elles la vie urbaine?

Ça garde la culture active, parce que la technologie stimule l’art. Elle offre cette ouverture, qui donne envie aux gens de s’intégrer, de s’approprier les œuvres. Contrairement à l’art traditionnel qui était passif et fermé, l’art interactif ou collaboratif est vivant, accessible et appartient à tout le monde. Et plutôt que de chercher l’art, c’est l’art qui nous trouve et qui vient à nous!

Est-ce que Montréal fait partie de cette tendance?

Oui, Montréal s’inscrit tout à fait dans cette tendance.  Je pense notamment à la SAT ou au Studio XX, qui sont spécifiquement conçus pour jumeler les arts et la technologie, et qui encouragent l’interactivité avec le public.

Un autre exemple intéressant, c’est l’artiste Taien Ng-Chan qui, à l’agence Topo, travaille sur le projet «Poetics of the City», basé sur son film «80 du Parc», consistant en un trajet d’autobus.  Elle intègre ce film sur une carte routière de la ville, via Internet. Le projet est encore en développement, mais on peut en voir la progression.

Quelle nouvelle technologie considères-tu particulièrement inspirante et prometteuse, mais qui n'est pas encore utilisée à son plein potentiel?

Les logiciels qui permettent de faire des vues panoramiques. On peut maintenant télécharger des applications offrant cette fonction sur les téléphones intelligents, mais ce n’est pas encore au point; il y a encore beaucoup d’amélioration à apporter à cette technologie.

Mais je crois beaucoup en l’utilité des panoramas, qui permettent de créer des environnements virtuels et de visiter des lieux à distance. Beaucoup de grandes galeries nous donnent accès à des salles d’exposition via leur site Internet, mais je pense que ce serait la technologie idéale pour faire connaître les petites galeries moins connues.

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Crédit photo | Mattera Joly

DES IDÉES POUR MONTRÉAL

Quel aspect d’une ville étrangère aimerais-tu voir se développer à Montréal?

J’aimerais qu’il y ait à Montréal un quartier où se mélangent les lieux de création et les lieux de diffusion artistiques, comme Soho à New York, par exemple.

On a beaucoup d’artistes ici, mais il manque d’ateliers. Le milieu des arts est trop fragmenté.  À Soho, on peut flâner et voir les artistes occupés à créer, en plus de les voir exposer. Cela génère une masse critique, un engouement, un intérêt, et ça roule tout seul!

Qu'est-ce qui, à Montréal, mériterait plus de visibilité, d'attention ou d'amélioration?

Je pense tout de suite au fleuve et au Vieux-Port. Dans plusieurs grandes villes dans le monde, la vitalité provient de l’atmosphère de son port. Ici, malheureusement, le port est mal exploité, il appartient plus aux touristes qu’aux Montréalais. Il faut absolument trouver une façon de le rendre plus authentique, plus organique, plus chaleureux. On doit se le réapproprier.

Qu’est-ce qui, selon toi, a le pouvoir de transformer le visage urbain en intégrant l'usage des technologies?

Les arts de la rue, qui ne cessent de croître en termes de qualité et qui déploient une créativité incroyable. On peut les raffiner de plus en plus grâce aux aimants et aux projections. Woostercollective est un site de référence extraordinaire, qui expose des exemples d’art de la rue et d’art éphémère partout dans le monde.

L’art de la rue est immensément riche, parce que c’est de l’art public. Et ça a le pouvoir de transformer des lieux prosaïques en lieux poétiques.

INSPIRATIONS ET COMMUNICATIONS

Quelles sont tes sources d'inspirations?

Je sors voir toutes les expositions! Je fréquente autant les grandes galeries que les petites.  En voyage, je visite les musées.

Mais pour moi, ce n’est pas suffisant de tout voir : il faut aussi échanger avec les autres. Discuter des expositions que j’ai vues avec des amis, des artistes, des professeurs ou même des scientifiques, c’est ce qui alimente l’inspiration. Lorsqu’on partage son enthousiasme avec des gens stimulants, ça génère beaucoup d’idées.

Parle-nous d'un spectacle ou d’une exposition qui t'a marqué, notamment par l'utilisation des technologies.

L’exposition de Anri Sala, qui a eu lieu au Musée d’Art contemporain dernièrement. C’est à la fois de l’art visuel et du spectacle, qui intègre les sons, la lumière, et la projection d’images.

Quels sont les moyens de communication que tu utilises le plus?

Je lis beaucoup de blogues et je me sers régulièrement des médias sociaux, comme Facebook et Twitter, pour échanger avec ce que j’appelle ma tribu d’artistes! C’est aussi ces moyens de communication qui me permettent de me renseigner sur ce qui se passe à Montréal.

Je suis une adepte des communications par Internet, mais il n’y a rien qui remplace une discussion en personne.

Quelle est l'organisation avec qui tu entretiens un dialogue ouvert et constant, celle qui te parle le plus et le mieux?

J’aime vraiment beaucoup ELAN (English Language ArtsNetwork) C’est un réseau génial pour les artistes, car tout le monde peut parler de ses activités et de ses intérêts. On y trouve autant de ressources que d’opportunités.

Selon toi, est-ce que le dialogue suscité par certaines compagnies peut devenir irritant?

Il peut être pratique de souscrire à certaines infolettres, mais lorsque des messages sont envoyés deux ou trois fois par semaine, je regrette de m’y être abonnée…

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