Corpus et l'exploration divine

19 avril 2025 →
4 mai 2025
Tous publics Vidéoprojection
Gratuit Coup de coeur

Une danseuse, un corps, un téléphone

La société moderne vit en réseaux fragmentés. Écrans de téléphone, téléconférences, cubicules, fenêtres d’appartement : captifs de cette « grille » contemporaine, nous sommes systématiquement divisés par une culture qui tire profit de notre aliénation collective. Lorsque la pandémie de COVID a frappé, Jo Roy, cinéaste et danseuse, a voulu créer un monde qui transcende ce cadre insidieux nourri de consumérisme et de patriarcat. Le résultat ? Corpus et l’exploration divine, un autoportrait expérimental traçant le parcours d’une femme qui redécouvre son phare intérieur et son lien inné avec la nature. N’utilisant que son corps et son iPhone, Jo Roy transforme une « vidéomosaïque » de 100 écrans en un pays des merveilles qui se déploie sur la Terre et au-delà. Mélange d’innovation technique et de vulnérabilité créative, Corpus et l’exploration divine pose une question essentielle : comment pouvons-nous abattre les murs de cette société fragmentée et réorienter la technologie, dans l’espoir d’accéder à un avenir interconnecté ?

Dates et horaires

29 avril 2025

Façade de l’Édifice WILDER – Espace Danse

00:30
30 avril 2025

Façade de l’Édifice WILDER – Espace Danse

00:30
1 mai 2025

Façade de l’Édifice WILDER – Espace Danse

00:30
2 mai 2025

Façade de l’Édifice WILDER – Espace Danse

00:30

À propos de la technique

Utiliser un iPhone pour concevoir un monde organique et serein présentait des difficultés aussi bien techniques que narratives. Pour Corpus et l’exploration divine, la cinéaste et chorégraphe Jo Roy disposait de très peu de références pour créer sa « vidéomosaïque », une technique novatrice. Elle a dû imaginer un nouveau flux de travail et manipuler environ 50 000 couches de fichiers vidéo iPhone. La création de chaque plan a pris jusqu’à un mois. Jo Roy plaçait en effet à la main parfois plusieurs milliers de fichiers dans une seule image, ce qui entraînait régulièrement un dépassement de la capacité de ses ordinateurs et de ses programmes de composition. Il lui arrivait de terminer une image pour constater que celle-ci ne parvenait pas à la hauteur de sa vision : il fallait alors tout recommencer. Une difficulté supplémentaire a compliqué l’ensemble : comment éclairer un écran vert bricolé dans l’espace minuscule de sa chambre ? La cinéaste a dû faire preuve de créativité et utiliser divers objets surprenants : pinces de cuisine, innombrables gants chirurgicaux, radiateur d’appoint cassé. Océans, éclairs, insectes, baleines : tout au long de ce processus ludique ponctué de découvertes absurdes et de tâtonnements, Jo Roy s’est efforcée de reconstituer le plus d’éléments naturels possible. La stratégie de création de chaque image était complètement unique, selon la texture, le mouvement, la composition. Certains plans ont nécessité une animation image par image ou une composition complexe, tandis que d’autres reposaient sur des mouvements corporels strictement contrôlés et une chorégraphie stratégique. Pour complexifier encore la démarche, Jo Roy s’est engagée à ne jamais se répéter dans l’exécution d’un motif. Le court métrage qui en résulte témoigne du talent et de la ténacité de la cinéaste, venue à bout d’un processus exigeant sans jamais perdre son sens de l’humour.

Mot de la réalisatrice, Jo Roy

J’ai réalisé Corpus et l’exploration divine essentiellement dans les limites d’un espace de deux mètres sur deux, dans ma chambre. Je n’ai utilisé que mon corps et un iPhone. Inspirée par le minimalisme de l’ère de la COVID, je me suis posé une question simple : comment élargir mes compétences de cinéaste et réaliser le film le plus vaste et le plus cinématographique possible avec un minimum de ressources ?

Bien avant de commencer ce projet, j’étais aux prises avec de nombreuses émotions pour lesquelles je n’avais pas de mots : un sentiment général et vague que quelque chose n’allait pas. Individuellement, on parle de la nuit noire de l’âme ou de dépression, sans savoir souvent que le tissu même de notre société nourrit cette dissonance personnelle ; sans savoir non plus que nous sommes plusieurs à éprouver la même désillusion, dans l’isolement.

Au cours des trois années suivantes, j’ai clarifié ces sentiments confus pour moi-même. J’ai réfléchi à la « structure en grille » que notre société a insidieusement adoptée sans que nous nous en rendions tout à fait compte, qu’il s’agisse de la technologie, de notre mode de vie, voire de notre esprit. Cette fragmentation systémique est devenue le langage tacite qui sous-tend nos existences. Elle engendre un isolement massif et une recherche sans fin de dopamine. En l’absence de communauté et de liens, nous tentons, en vain, de combler le vide par des objets matériels et une validation superficielle. Nous alimentons ainsi une boucle perpétuelle de frustration, engourdis que nous sommes par la consommation. Comment avons-nous pu nous éloigner à ce point de la tradition innée de la vie humaine, imbriquée dans la nature ? Quand avons-nous renoncé à notre vie privée, au caractère sacré d’une vie impossible à quantifier, pour nous avilir comme des marchandises qui rivalisent entre elles en quête d’une valeur artificielle ? Pourquoi avons-nous laissé une obsession financière qui dégrade les êtres humains et la Terre façonner l’avenir ? Au lieu de cela, pouvons-nous utiliser la technologie pour nourrir un monde sain et interdépendant ?

Lorsque j’ai créé Corpus, ma réflexion personnelle m’a amenée à parcourir un réseau de découvertes qui m’a permis d’explorer quantité de domaines : science, sociologie, philosophie orientale, féminité, mon propre traumatisme comme organisme vivant, sans oublier des questions existentielles autour de l’étonnante réalité d’être en vie. Ce parcours tentaculaire s’est accompagné de nombreux ouvrages qui me tiennent à cœur, qui ont transformé ma vision du monde : La société du spectacle, Tresser les herbes sacrées, Femmes qui courent avec les loups, le Tao te king, Psychopolitique, Vivre avec le trouble et Les dragons de l’Eden.

Le processus technique de création de ce film s’est révélé l’exercice le plus complexe et le plus fastidieux que j’ai jamais entrepris comme cinéaste. Pour chaque image, je partais d’un élément de la nature, je regardais mes membres et je me demandais : « Comment créer des éclairs avec mon corps ? Comment devenir l’océan ? Comment me faire tournesol ? » J’ai commencé à repérer les similitudes et les parallèles mathématiques entre mon corps et d’autres entités de l’univers, j’ai imité leurs mouvements, j’ai eu l’impression de les connaître d’une manière étrangement intime. Cela ressemblait presque à une pratique spirituelle — méditation et expression de gratitude — qui me transformait en une gamme variée de composantes naturelles. C’est d’autant plus vrai que, comme danseuse, le mouvement est ma prière. Mon but ultime consistait à transcender la rigidité de la grille, du réseau, et à créer un sentiment d’humanité, des courbes et des liens qui apporteraient la paix au public. Une reconnaissance intuitive. Je voulais susciter chez lui la même réaction innée que celle qu’on éprouve en regardant l’océan ou une montagne : la justesse, la sérénité.

Mon seul matériau, c’était mon corps, un corps de femme. Le processus est dès lors devenu infiniment plus intime et chargé, compte tenu de la signification controversée attachée au corps féminin comme objet d’exploitation, d’abus, de contrôle très strict à travers l’histoire. Mon corps est exposé sans artifices, sans manipulation de la « beauté » pour corriger les défauts ou masquer les attributs « indécents ». Mon corps est présenté avec sensualité, mais sans objectification sexuelle. Autrement dit, je reconnais le caractère sacré inné de ma forme physique. J’espère que cette action incitera d’autres femmes à se réapproprier leur corps. Grâce à l’amour de soi et à une attention saine, nous détenons le pouvoir d’écarter progressivement le regard prédateur de la culture consumériste qui profite sans cesse de notre insécurité et de la honte que nous fabriquons.

Alors que le ciel orageux de ma propre nuit noire se dissipe, je suis frappée par la valeur et la beauté de l’expérience humaine. Pour moi, ce changement de paradigme est le fruit d’une profonde introspection et d’une reconnexion à mon phare intérieur. Je continue de repérer et de rejeter les messages sociaux qui ne me servent pas, qui ne sont pas véridiques. À mesure que je poursuis mon apprentissage, la compassion que j’éprouve envers moi-même se développe ; un mode de vie plus doux, plus durable apparaît. En fin de compte, j’espère que d’autres ressentiront ce film comme un soutien cathartique dans leur propre cheminement.

Corpus et l’exploration divine est une lettre d’amour, une œuvre de guérison, une expression de gratitude envers la vie, l’humanité, la nature et toutes les personnes qui m’ont fait la grâce de me toucher. Merci.

Crédits

Réalisation
Jo Roy

Caméra
Jo Roy

Chorégraphie
Jo Roy

Danse
Jo Roy

Montage
Jo Roy

Musique
Zoë Keating

Concepteur sonore
Alexander Verbitskiy

Monteur sonore
Alexander Verbitskiy

Enregistreur bruitage
Alexander Verbitskiy

Programmeur synthétiseurs
Sutter Hellwarth

Enregistreur synthétiseurs
Sutter Hellwarth

Bruiteur
Craig Ng

Titres
Amos Sussigan

Consultants en animation
Amos Sussigan
Dan Lund

Consultant à la postproduction
Ondi Animation Inc.

Directeur technique
Vincent McCurley

Coordonnateur technique
Luc Binette

Ingénieur média et développement
Frank Nadeau

Conseiller médias et technologies
Frédéric Sauvé

Spécialiste des systèmes informatiques
Rafi Lokmagozyan

Technologues production et postproduction
Sébastien Dion
Fabien Capus

Monteur en ligne sénior
Yannick Carrier

Mixage final
Isabelle Lussier

Producteur
Jeremy Mendes

Producteur exécutif
Robert McLaughlin

Producteur délégué
Laura Mitchell

Chargé de projet
Janine Steele

Coordonnatrices principales de production
Dominique Forget
Jasmine Pullukatt

Chargées de studio et de productions
Camille Fillion
Janine Steele

Administrateur de studio
Victoria Angell

Agentes de mise en marché
Laurianne Désormiers
Judith Lessard-Bérubé

Coordonnatrices de la mise en marché
Julie Fortin
Jolène Lessard

Attachée de presse
Katja De Bock

Une production de l’Office national du film du Canada, 2024

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