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La «Chasse-galerie» comme vous ne l’avez jamais vue

26 mai 2016

Texte principal du billet

Huit immigrants concluent un pacte avec le diable et s’embarquent dans un canot volant pour venir habiter au Québec… Cette fable vous semble familière? À un détail près, peut-être! Dans le cadre du FTA, l’artiste 2Fik revisite la légende de la Chasse-galerie qu’il racontera sous la forme d’un photomontage unique, en direct de la place des Festivals transformée en studio de photo à ciel ouvert, du 28 au 30 mai.

Avec 2Fik court la Chasse-galerie, l’artiste multidisciplinaire interprète les personnages qu’il a lui-même créés et qui monteront tour à tour dans le canot. Il se penche une fois de plus sur les questions identitaires, qui alimentent son travail. Prêt pour l’embarquement?

Nous nous sommes entretenus avec 2Fik pour en apprendre un peu plus sur ce projet. Aussi, nous avons fait un retour dans le temps avec Martin Faucher, codirecteur général et directeur artistique du Festival, pour parcourir les 10 œuvres créées dans l’espace public au cours des 10 éditions du festival TransAmériques.

Comment décrivez-vous votre démarche ?

Je fais de l’art visuel en me mettant en scène. Je crée des photos de façon performative, c’est-à-dire que je suis le photographe, mais aussi le modèle, le metteur en scène, le styliste… J’ai créé 13 personnages que j’interprète et qui se retrouvent dans toutes mes œuvres. Chacun a un âge, un nom, une histoire; ils se sont tous d’ailleurs rencontrés au Québec. La toile de fond de mon travail est l’identité, les genres et la perception.

Pourquoi ces thèmes vous interpellent-ils ?

Nous avons souvent tendance à mettre les gens dans des boîtes parce qu’ils parlent comme cela ou ressemblent à ceci. Pour moi, l’identité est quelque chose de très complexe et tout le monde a le droit de se questionner sur qui il est, sur la direction qu’il souhaite emprunter, sur les valeurs qui le touchent. Les personnages que j’ai inventés me permettre d’explorer ces thèmes sous de nombreuses formes.


Comment est né le projet que vous présenterez pendant trois jours sur la place des Festivals ?

En 2013, j’ai fait une série de photos qui s’intitulait 2Fik au musée, où je réinterprétais des tableaux classiques. Mes 13 personnages se trouvaient à prendre la place et la pose des personnages de ces œuvres. Puis, j’ai été invité en Croatie et en Irlande pour réinterpréter des tableaux célèbres de ces pays. De retour au Québec, j’avais envie de trouver une œuvre très québécoise et de la réinterpréter.

C’est là que vous avez choisi la Chasse-galerie

Je souhaitais rendre hommage au Québec et je suis tombé sur la Chasse-galerie, un conte d’Honoré Beaugrand basé sur une légende québécoise où huit coureurs des bois font un pacte avec le diable pour aller fêter le Nouvel An avec leurs bien-aimées. Puis, j’ai vu la peinture d’Henri Julien illustrant l’histoire. Je suis né en France et j’ai vécu au Maroc, alors pour moi, des bûcherons sur un canot qui vole, c’est très exotique!

Comment vous appropriez-vous la peinture d’Henri Julien ?

En lisant le conte, j’ai été interpellé par les liens avec la religion et la volonté d’améliorer sa qualité de vie. Je me suis dit que ça ferait une super histoire sur l’immigration. Plutôt que d’avoir huit bûcherons, nous retrouverons huit immigrants qui font un pacte avec le diable pour venir habiter au Québec! Le canot va atterrir place des Festivals avec mes huit personnages qui sont nés hors du Québec. Quatre de mes autres personnages les accueilleront au sol. Mon treizième personnage, la femme à barbe voilée, représentera le diable.


Pendant trois jours, donc, le public pourra voir toute votre démarche artistique ?

Oui. Le premier jour, j’installerai le décor et je ferai des tests. Le second jour, je vais faire toutes les photos. Je passerai d’une barbe de 13 mois à un visage complètement sans poil! Et le dernier jour, je ferai le montage.

Pourquoi avoir choisi de tout faire devant le public ?

Je suis fasciné par les principes de déconstruction et de désacralisation de l’art. J’aime l’idée de réaliser ce projet de A à Z devant le public. À certains moments, les gens vont trouver ça intrigant, alors qu’à d’autres moments, ils vont trouver qu’il ne se passe pas grand-chose, mais c’est aussi ça l’art, des moments d’attentes. Également, je viens d’une famille non artistique. J’ai longtemps pensé que l’art était réservé à l’élite. Je suis sensible aux notions d’accessibilité de l’art, peu importe sa forme.

Les barrières et les perceptions s’appliquent là aussi…

Tout à fait. Par exemple, plusieurs gens se demandent : est-ce que j’ai le droit d’aller au musée? Bien sûr que oui, mais il demeure, encore et toujours, une perception qui fait que nous nous demandons si nous avons le droit, si nous avons les connaissances et la sensibilité nécessaires. Sur la place des Festivals, il y aura autant de personnes très sensibles à l’art contemporain qui comprendront les microdétails que de gens qui vont se dire « Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? »

Le public n’est-il pas souvent timide d’aller à la rencontre des artistes…

Je veux briser cela. Je veux que les gens soient à l’aise de venir me poser des questions. Je souhaite que l’œuvre soit totalement intégrée à l’espace public. Le premier jour, le 28, j’aurai plus de temps pour parler de ma démarche. Sinon, il y aura des médiateurs sur le site et des biographies de mes personnages seront affichées sur des panneaux. Pas de raison de ne pas venir !

2Fik court la Chasse-galerie

Sur la place des Festivals
Du 28 au 30 mai, de 8 h à 20 h
Gratuit
Présenté dans le cadre du FTA


Retour sur les œuvres présentées dans l’espace public lors des 10 éditions du FTA et réflexion sur cette pratique avec son directeur artistique, Martin Faucher.



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